A la suite des attentats du mois de novembre 2015, la Préfecture de police de Paris a interdit le concert d’un célèbre groupe de rock prévu pour le 15 novembre 2015 au Zenith de Paris.
Le concert a été reporté au 2 février 2016.
Mais ce concert du 2 février 2016 a dû être annulé à cause du décès brutal d’un membre du groupe.
Les faits
Une assurance avait été souscrite pour le risque d’annulation du concert du 15 novembre 2015. Cette assurance est supposée, en cas d’annulation de concert, rembourser au producteur les sommes qu’il a exposées pour le concert et son manque à gagner (location de salle, publicité du concert par voie d’affiche et de radios notamment, achat du concert à un agent étranger, remboursement des places de concert, etc).
Cependant le concert du 15 novembre 2015 n’étant pas annulé mais reporté, il n’avait rien été demandé à cette assurance, qui ne couvre que les risques d’annulation sans report possible.
Lorsque le concert du 2 février 2016 à cette fois été annulé, sans possibilité de report puisqu’un artiste est décédé, le producteur a voulu faire jouer l’assurance – annulation.
Mais lorsque le producteur a demandé à l’assurance le paiement de l’indemnité pour annulation du concert du 2 février 2016, ce paiement lui a été refusé. L’assurance a refusé de garantir l’annulation du spectacle, car la nouvelle date ne lui avait pas été signalée.
L’assurance soutenait que la mention « toute demande de modification devra être portée à la connaissance de l’assureur », incluse au contrat, faisait obstacle à sa garantie puisque la date du concert avait été modifiée et que cela ne lui avait pas été signalé.
La bonne foi du producteur de spectacles n’était pas contestée. Le producteur avait en effet déclaré le report de date de concert à son courtier, qui avait oublié de prévenir la compagnie d’assurance.
La garantie n’était-elle réellement pas due ?
Le tribunal rappelle que si et seulement si le risque assuré est modifié, et si l’assuré est de bonne foi, l’assurance peut diminuer l’indemnité en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés (art.L113-9 du code des assurances).
C’est la fameuse « application de la règle proportionnelle ».
La question était donc de savoir si le risque avait changé pour un concert du même groupe dans la même salle le 2 février 2016 au lieu du 15 novembre 2015. Et dans ce cas, les primes à payer pour assurer ce concert contre le risque d’annulation auraient-elles été plus élevées, et si oui dans quelle proportion ?
Dans son jugement du 5 avril 2018, le tribunal de commerce de Paris constate que l’assurance n’a jamais offert de diminuer l’indemnité, et qu’elle a seulement refusé de payer quoique ce soit. Elle n’a jamais indiqué qu’elle aurait accepté d’assurer pour une prime plus élevée.
Le tribunal constate que le contrat d’assurance mentionne certes que tout changement doit être déclaré, mais qu’il ne précise pas sous quelle sanction. Et donc ce sont les sanctions de l’art. L113-9 qui doivent s’appliquer. Mais cela suppose pour cela qu’il soit fait la démonstration que le risque serait modifié par le report de date d’un concert du 15 février 2015 au 2 février 2016.
Or justement l’assurance avait accepté d’assurer un concert supplémentaire du même groupe pour 1er février 2016 à LILLE, et ceci sans augmenter la prime par rapport à celle des autres concerts, telle qu’elle avait été fixée au départ.
Le tribunal déduit de tout ce qui précède que la compagnie d’assurance n’a pas allégué de modification du risque et que dès lors il n’ y a pas lieu de réduire (ce qu’en plus elle ne propose pas) le montant de l’indemnité. Le tribunal condamne la compagnie d’assurance à payer le montant de l’indemnité prévu par le contrat, c’est-à-dire les coûts représentés par l’annulation de ce concert.
Le jugement a, bien sûr, été frappé d’appel. Le spectacle continue …
Une vidéo pleine d’humour du MUPPET SHOW intitulée « Old times rock *n roll »
Conclusion …
Le Jugement de la Cour d’Appel de Paris
Le jugement a été frappé d’appel par AXA et la Cour d’Appel de PARIS a confirmé le jugement le 15 octobre 2019 en explicitant le motif :
« il conviendrait que la société AXA FRANCE IARD démontre … que le report du concert du 15 novembre 2015 au 2 février 2016 aurait pour elle, modifié l’appréciation du risque, et l’aurait aggravé de manière à la conduire à revoir l’évaluation des primes à payer à la hausse, ……. la Cour constate que cette preuve n’est en aucune manière rapportée »
Donc c’est une confirmation : le simple changement de date n’est pas une aggravation de risque et dès lors l’assurance ne pouvait pas exiger d’en être informée.Elle doit payer le sinistre.
Catherine Marie KLINGLER
Avocat au Barreau de Paris