Dans un litige examiné par la Cour d’Appel de Paris le 24 septembre 2017, les magistrats ont rappelé qu’un employeur ne peut se prévaloir de faits commis dans le cadre d’un mandat social pour justifier un licenciement.
Ce principe perd naturellement sa raison d’être lorsque le salarié vient, lui-même, semer la confusion entre son contrat de travail et son mandat social (utilisation d’informations et détournement de pouvoir) comme l’a rappelé la Cour de Cassation dans plusieurs arrêts rendus le 15 décembre 2010 (09-71288, 09-71290, 09-71291, 09-71294, 09-71295) ce qui n’était nullement le cas en l’espèce.
Le déroulement de l’affaire
Un salarié avait été embauché par la société X, appartenant à un groupe important, en qualité de Directeur pour exercer au sein de celle-ci des missions de définition et mise en œuvre des conditions de développement de nouvelles activités.
Il avait été ensuite également nommé Président de la société Y, appartenant au même groupe, pendant le cours de son contrat de travail. Il bénéficiait donc, à la fois, d’un contrat de travail et d’un mandat social s’exerçant dans deux sociétés distinctes.
Il est finalement licencié pour faute grave…
Il s’est trouvé, un lundi matin, d’une part, convoqué par lettre remise en mains propres, à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mis à pied à titre conservatoire, d’autre part, démissionné de ses fonctions de président. Il a ensuite fait l’objet d’un licenciement pour faute grave par la société X … concernant ses activités au sein de la société Y dans laquelle il détenait les fonctions de président.
Le Jugement du Conseil de Prud’hommes
Il a saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris qui, bien qu’ayant justement relevé que « la société X licencie Monsieur Z, son salarié en raison de fautes invoquées contre lui concernant un client de la société Y dont il n’est plus le président à cette date mais dont il n’est pas le salarié non plus » et que « les reproches formulés par son employeur concernent donc son activité pour la société Y », n’a pas tiré les conclusions de ses constatations et, pour valider le licenciement, a tenu compte des griefs dirigés contre lui en sa qualité de président d’une société dont il n’était pas le salarié.
Les arguments développés en appel
Il a été rappelé qu’un arrêt de principe de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 1er décembre 1999 avait posé que le licenciement motivé par des faits reprochés au salarié commis, non dans l’exécution de son contrat de travail mais à l’occasion de l’exercice de son mandat social à la tête de la société (encore s’agissait-il ici de la même société et non pas, comme en l’espèce, de deux sociétés distinctes), ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse.
Pour tenter de contrer cet argument, la société X s’est prévalue, paradoxalement, d’une jurisprudence protectrice des intérêts du salarié mettant un terme à certaines pratiques consistant à transformer une relation salariale en mandat social afin d’échapper au paiement des indemnités de rupture et a argué qu’un contrat de travail pouvait avoir pour objet un mandat social.
S’il est évident qu’une même personne peut cumuler un contrat de travail et un mandat social, ces deux missions ne peuvent se confondre. Si l’exercice d’un mandat social n’est pas exclusif d’un lien de subordination juridique dans le cadre d’un travail salarié, le lien de subordination juridique existe uniquement avec la société employeur et non pas avec la société dans laquelle est exercé le mandat social.
L’Arrêt de la Cour d’Appel
Et c’est bien ce qu’a rappelé la Cour d’appel dans son Arrêt du 24 septembre 2017 :
« Si un cumul de qualités s’opère en la personne de Monsieur M., (employeur, associé unique de la société Y et président de la société X), le mandat social exercé par Monsieur Z pour la société Y ne se cumule pas avec le contrat de travail le liant à la société X, de sorte que les griefs ne doivent être examinés qu’au regard de l’obligation de loyauté de l’un et du pouvoir de direction de l’autre dans les limites du contrat de travail qu’exerce Monsieur Z comme Directeur de l’activité de la société X. »
Ainsi, « le licenciement de Monsieur Z, qui est fondé sur des éléments extérieurs à son contrat de travail est donc dénué de cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé. »
Un employeur ne peut pas justifier un licenciement en se prévalant de faits commis dans le cadre d’un mandat social.
Brigitte ROBILLIARD
Avocate au Barreau de Paris