Un salarié avait dénoncé au Procureur de la République l’existence d’heures de travail fictives dans l’entreprise.
Il avait été licencié pour faute, la faute consistant en une atteinte à l’honneur de l’employeur et une dénonciation prétendûment calomnieuse (ce qui suppose, rappelons-le, que l’auteur de la dénonciation soit conscient de son caractère mensonger).
L’affaire
Le salarié était de bonne foi et les comportements dénoncés paraissaient litigieux.
La Cour de Cassation décide donc que « le fait pour un salarié de porter à la connaissance du procureur de la République des faits concernant l’entreprise qui lui paraissent anormaux, qu’ils soient au non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute » .
« le salarié avait informé le procureur de la République de ce que le directeur du centre avait tenté de se faire payer des salaires pour un travail qui n’avait pas été accompli et obtenu du président de l’association la signature d’un contrat de travail alors qu’il était dans le même temps administrateur de l’association, de tels faits étant susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics, et ensuite, que sa bonne foi ne pouvait être mise en doute , la cour d’appel, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que le salarié n’avait commis aucune faute en révélant les faits aux autorités judiciaires « .
Et Cour de Cassation considère, implicitement semble-t-il, que la liberté de signaler des actes illicites au Procureur de la République constitue une modalité de la liberté d’expression des salariés dans l’entreprise et relève de l’art.10 de la convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme.
A noter, en parallèle, un arrêt de la chambre criminelle (Cour de cassation, Chambre criminelle, 9 février 2016, 14-86.727) qui approuve la relaxe d’employés d’une compagnie aérienne alors que, de bonne foi, ils ont déclaré à la presse que la compagnie ne respectait pas les règles de sécurité. Selon eux, et sous la menace de licenciement, ils devaient exécuter des vols en infraction avec les règles de sécurité. La Cour juge qu’il n’y a pas diffamation car « les intimés ont justifié de circonstances particulières suffisantes pour établir leur bonne foi ».
Dans toutes ces décisions, le point central est la bonne foi du salarié, qui n’a pas procédé à une « dénonciation calomnieuse ». L’essentiel est donc de ne dénoncer qu’en étant de bonne foi.
Ainsi le salarié qui dénonce son employeur pour harcèlement ne commet pas de faute sauf s’il est démontré que les faits étaient inexacts et qu’il le savait (Cour de cassation, Chambre sociale, 26 octobre 2017, 16-13.793)
La tendance se confirme avec un arrêt du 19 avril 2023 N°21-21053 de la Chambre Sociale en formation plénière, qui décide que le fait, pour un salarié, d’avoir écrit à la direction de l’entreprise pour dénoncer le comportement harcelant de son supérieur, ne constitue pas une faute justifiant son licenciement.
« le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce ».
Conclusion
Ce n’est donc que lorsque la dénonciation de son employeur par le salarié va revêtir toutes les caractéristiques d’une « dénonciation calomnieuse » qu’elle constituera une faute. Dès lors que le salarié est de bonne foi, il peut dénoncer des agissements qui constitueraient une infraction, et il ne peut pas être licencié pour ce motif.
Rappelons que la bonne foi est présumée et que la mauvaise foi éventuelle du salarié devra être prouvée par l’employeur.
AARPI LEKTOS – Barreau de Paris