La location financière ou le tonneau des Danaïdes….

Peinture de la scène du Tonneau des Danaïdes

Vous êtes artisan, commerçant, profession libérale, PME et vous avez des besoins en équipements bureautiques, informatiques, télésurveillance, site web.

Un commercial   d’une société vous démarche et vous fait une offre de prix pour la livraison et l’installation du matériel choisi, en faisant valoir qu’eu égard au coût et à la spécificité de l’entretien et de la maintenance des matériels (remplacement des consommables) ainsi que de leur rapide obsolescence, il est préférable de recourir à la location, plutôt qu’à l’achat.

SOYEZ VIGILANTS, s’il vous est proposé de souscrire une location financière.

La location financière

Qu’est-ce que la location financière ?

La location financière est une opération par laquelle une société de financement met en location un bien mobilier (matériel, informatique, copieur, etc) dont elle est devenue propriétaire, à la demande du locataire.

Elle suppose la conclusion de deux contrats.

Il vous est ainsi proposé de signer, avec la société de bureautique, une commande de matériel en location dont le règlement est prévu par une société de financement, accolé à un contrat de service pour la maintenance.

Vous signez un autre contrat avec la société de financement, contrat de location de longue durée sans option d’achat, dans lequel il est précisé que le fournisseur du matériel loué est la société bureautique.

Les conditions financières auxquelles la société de financement est devenue propriétaire du matériel fourni par la société de bureautique vous resteront évidemment inconnues.

Il ne s’agit pas d’une LAO ou leasing, location avec option d’achat qui est très réglementée et ne peut être proposée que par une banque ou un établissement de crédit, mais d’une location financière, très en vogue chez les fournisseurs de matériel, parce que très lucrative.

L’astuce de ces contrats

L’astuce est de faire signer au client un contrat sur 63 mois soit 5 ans plus le délai de préavis de 3 mois, pour éviter la tacite reconduction du contrat, puis de revenir vers le client tous les deux ans avant l’échéance, pour lui renouveler le matériel pour du matériel prétendûment plus performant, dont la location repart alors sur 63 mois.

Sauf que le locataire, sans vraiment s’en rendre compte, va s’éloigner de la réalité des prix pratiqués par la concurrence, car le fournisseur ne va pas manquer d’offrir généreusement un an de location sous forme d’aide au financement avec un chèque ou un rachat des années à échoir auprès de la société de financement.

Il va ainsi, se retrouver quelques années après, avec des mensualités qui ont doublé en cinq ans, pour un matériel dont la valeur est sans commune mesure avec le coût exorbitant de la location.

Un photocopieur professionnel d’une valeur de 5 000€ peut ainsi coûter 20 000€ au bout de 63 mois (soit des mensualités de 317€ avec les frais d’assurance du financement).

il est vrai que la location financière, en assurant le financement intégral du matériel, permet aux professionnels de sauvegarder leur trésorerie et les loyers constituent des charges déductibles à 100%.

Le coût exorbitant

Cependant son coût est nettement supérieur à celui engendré par un prêt bancaire, et du fait des taux d’intérêts bas pratiqués actuellement par les banques, il peut être judicieux et plus économique de comparer avec  le coût d’un prêt bancaire classique sur le matériel, qui restera en outre votre propriété.

En effet dans le cadre de la location financière, vous devrez en fin de contrat, restituer le matériel (qui peut être volumineux) à vos frais, et encore à la condition d’avoir pensé, dans le délai de préavis prévu par le contrat (3 mois en général) à faire échec à la tacite reconduction du contrat.

Beaucoup de professionnels oublient ainsi de mettre un terme aux contrats à l’échéance car ils ne bénéficient pas, en tant que professionnels, de la législation protectrice du Code de la Consommation qui oblige tout professionnel prestataire de service qui a conclu un contrat avec un consommateur ou un non-professionnel, comportant une clause de reconduction tacite, de l’informer par écrit, avant l’arrivée du terme, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat.(Art L215-1 Code Consommation).

Surtout, ces contrats : location financière /Prestations de service ont généré un important contentieux sur deux points essentiels :

  • l’indépendance des contrats en cas de résolution/résiliation de l’un des deux 
  • le coût exorbitant pour en sortir.

Les décisions de Justice

La Cour de Cassation par deux arrêts du 17 mai 2013 (voir notamment l’Arrêt de la Chambre mixte)  a consacré l’interdépendance des contrats, en dépit des clauses contraires.

Ces décisions (confirmées depuis lors par de nombreuses autres plus récentes) constituent une grande avancée. Désormais la résolution de l’un des contrats entraîne la résolution de l’autre contrat.

Les nouveaux articles 1186 et 1187 du code civil reprennent cette solution.

Pourtant, les sociétés de bureautique et de financement continuent d’insérer dans leurs contrats, des clauses d’indépendance, régulièrement réputées non écrites par les Tribunaux.

Pour sortir du contrat, les sociétés de bureautique vous demandent une indemnité de résiliation égale à la totalité des loyers restant à courir, et une pénalité de 10%.

L’indemnité de résiliation anticipée peut être revue à la baisse, soit en arguant que c’est une clause pénale (que le juge a le pouvoir de réduire – lire l’Arrêt de la Cour de Cassation du 30 novembre 2010 ), soit en utilisant le Droit économique ou les nouvelles dispositions du code civil relatives au « déséquilibre significatif » .

Ces solutions sont déjà consacrées par la Commission d’Examen des Pratiques Commerciales et par les juridictions du fond , comme en témoigne l’Arrêt de la Cour d’Appel de Versailles du 23 juin 2016

Même si la question reste complexe, il ne faut donc pas hésiter à remettre en cause les contrats de location financière déséquilibrés.

 

Pascale PIGNOT
Avocat au Barreau de Paris

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Le crédit-bail est caduc en cas de résolution de la vente

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Par un arrêt rendu en Chambre Mixte le 13 avril 2018, la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence, quant au sort du crédit-bail mobilier de biens d’équipements ou de matériels d’outillages, en cas de résolution de la vente.

Jusqu’alors, le crédit-bailleur pouvait se prévaloir des clauses du crédit-bail réglant les conséquences de la résiliation. Il pouvait par exemple avoir droit  à tous les loyers prévus, jusqu’à la fin de la période irrévocable de location.

C’est cette jurisprudence que la Chambre Mixte vient de modifier expressément dans son arrêt.

L’évolution du Cadre légal

Rappel du cadre légal

Les biens qui font l’objet du crédit-bail doivent être achetés par l’entreprise qui les donne en location (Code monétaire et financier art L313-7 ). Le crédit-bailleur doit procurer au crédit-preneur la jouissance du bien loué.

Le  crédit-bail est résilié, sauf cause de nullité l’affectant directement (Cour de Cassation Arrêt du 30/11/2010 ), si la vente est résolue, à l’initiative du crédit-preneur.

En conséquence, jusqu’alors, le crédit-bailleur pouvait se prévaloir des clauses du crédit-bail  réglant les conséquences de la résiliation (Cour de Cassation, Chambre mixte 23/11/1990  trois arrêts :RJDA 2/91n°138). Il pouvait par exemple avoir droit  – à tous les loyers prévus, jusqu’à la fin de la période irrévocable de location, sous-déduction des sommes qu’il pourrait recevoir au titre de la résolution (Cass Com 21/12/1995 publié à la RJDA 7/95n°869).

La Cour de Cassation modifie la Jurisprudence

C’est cette jurisprudence que la Chambre Mixte vient de modifier expressément dans son arrêt du 13 avril 2018.

Désormais la Cour de Cassation décide que la résolution du contrat de vente entraîne, par voie de conséquence, la caducité, à la date d’effet de la résolution, du contrat de crédit-bail et que sont inapplicables les clauses prévues en cas de résiliation du contrat.

Dans l’espèce jugée par la Chambre Mixte , cela a permis au crédit-preneur qui devait restituer le véhicule objet du crédit-bail, à la banque, de se voir restituer les loyers perçus en exécution du contrat de crédit-bail.

Ce faisant la Cour de Cassation applique au crédit-bail, la solution déjà retenue en matière de location financière  depuis les arrêts rendus en Chambre mixte les 17 mai 2013  (pourvois n°11-22.768 et n°11-22.927) ayant retenu l’interdépendance des contrats successifs ou concomitants, de sorte que l’anéantissement de l’un entraînait la caducité des autres.

La logique des réformes

Cette jurisprudence s’inscrit dans la logique de la réforme du droit des contrats, les nouveaux articles 1186 et 1187  du Code Civil  applicables aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 disposent en effet :

Article 1186 

Modifié par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 2

Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.

La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.

Article 1187 

Modifié par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 2

La caducité met fin au contrat.

Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Ce revirement de jurisprudence va donc dans le sens de la Loi, qui protège les entreprises ayant recours au crédit-bail pour leurs équipements mobiliers.

AVOCATS LEKTOS

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Abus d’égalité – Quand un associé « abuse » dans une société à 50/50

Dans une société à 50/50, il suffit qu’un des deux associés égalitaires vote contre une décision, et il y fait échec. Il a ainsi le pouvoir de bloquer toutes les décisions même les plus ordinaires ….. Mais un droit ne devrait jamais dégénérer en abus.

Abus d’égalité – Quand un associé « abuse » dans une société à 50/50

Deux hommes associés à égalité se confrontent. L'un pointe un index menaçant vers l'autre. La discussion semble tendue.

Dans une société à 50/50, il suffit qu’un des deux associés égalitaires vote contre une décision, et il y fait échec. Il a ainsi le pouvoir de bloquer toutes les décisions même les plus ordinaires ….. 

C’est son droit, et il est même possible que les statuts prévoient que toute décision doit être prise à l’unanimité …..

Mais un droit ne doit jamais dégénérer en abus.

L’affaire

Quand un associé égalitaire prend une décision contraire à l’intérêt de la société, et qu’il cherche uniquement à favoriser ses propres intérêts, ou alors ceux d’une autre société dans laquelle il a des participations, on est dans un cas typique d’abus d’égalité.

Il est alors possible de faire désigner un mandataire ad hoc pour débloquer la situation, et de demander des dommages et intérêts à celui qui bloque la situation.

La Cour d’Appel de Chambéry a jugé le cas d’un associé égalitaire qui a refusé de voter la signature d’un contrat très important pour la société. Il a donc fait perdre ce contrat à la société dans laquelle il avait 50% des votes.

Par la suite, comme par hasard, la société qui a remporté ce même contrat était une société dans laquelle l’associé récalcitrant avait des participations.

La Cour d’Appel de CHAMBERY a estimé que les associés 50/50 avaient signé des statuts dans lesquels l’unanimité était nécessaire pour toute décision. Dès lors la Cour d’appel estimait que tout associé était en droit de bloquer les décisions puisque cela était prévu dans les statuts, et donc accepté d’avance.

Résultat final

La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle casse l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry. Elle estime que « constitue un abus d’égalité le fait, pour un associé à parts égales, d’empêcher, par son vote négatif, une opération essentielle pour la société, dans l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’autre associé ».

 Arrêt de la Cour de Cassation, 21 juin 2023.

Catherine Marie KLINGLER
Avocat au Barreau de Paris

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Dans une société à 50/50, il suffit qu’un des deux associés égalitaires vote contre une décision, et il y fait échec. Il a ainsi le pouvoir de bloquer toutes les décisions même les plus ordinaires ….. Mais un droit ne devrait jamais dégénérer en abus.

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