Par un Jugement du 28 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés des 25 juin 2015 , 20 juin 2016 et 21 juin 2017 qui encadraient les loyers d’habitation à PARIS, en application de la « loi Alur ».
Les faits
La loi a fixé aux loyers d’habitation une double limite :
- Lors de la relocation au départ d’un locataire, le loyer pratiqué pour le locataire suivant, dans les zones d’habitation « tendues » , ne peut plus être fixé librement. Il doit être établi en fonction du loyer appliqué à l’ancien locataire, suivant une formule déterminée par un décret pris chaque année
- Au niveau de certaines zones où il est difficile de se loger, et où les loyers augmentent du fait d’une offre trop faible, un loyer maximal doit être fixé chaque année par des arrêtés préfectoraux. Toutes les locations doivent respecter ce loyer plafonné.
C’est ce plafonnement qui avait été mis en place à Paris. Il était applicable depuis le 1er août 2015 par un premier arrêté préfectoral du 25 juin 2015 qui a été suivi de deux autres.
L’association « Bail à part – tremplin pour le logement » a saisi le tribunal administratif en demandant l’annulation de ces arrêtés.
Elle faisait valoir que la ville de PARIS n’est pas à elle seule une « zone d’urbanisation continue » (en d’autres termes une « agglomération ») et qu’un ensemble de communes de l’Ile de France aurait dû être visé par les dispositions de plafonnement des loyers. Elle soutenait que la préfecture de Paris était compétente pour prendre un arrêté visant d’autres communes que la ville de Paris, et qu’il avait été créé une inégalité de traitement entre des habitants d’une même zone, supposés pourtant se voir appliquer la loi de manière identique.
A ce premier recours ont été joints des recours de la FNAIM DU GRAND PARIS, de l’UNPI, de la chambre nationale des propriétaires, de l’union des Syndicats de l’Immobilier (UNIS), du syndicat national des professionnels de l’immobilier (SNPI). Ils soutenaient que les catégories de logement déterminées par les arrêtés étaient insuffisamment précises et ne correspondaient pas aux termes de la loi, notamment le critère de l’époque de construction leur paraissait non pertinent. Etait aussi invoquée une violation de la convention de sauvegarde des Droits de l’Homme, au motif que le dispositif aurait fait peser une charge disproportionnée sur les propriétaires.
Le jugement retient en partie le moyen soulevé par « Bail à part – tremplin pour le logement ».
Une agglomération est une zone à urbanisation continue (construite sans interruption). La loi du 6 juillet 1989 telle que modifiée par la loi du 24 mars 2014 prévoit un encadrement des loyers dans les « zones d’urbanisation continue de plus de 50.000 habitants ». C’est le critère employé habituellement pour définir une agglomération. Paris n’est pas à elle seule une agglomération, la zone d’urbanisation continue dépasse largement la ville de Paris. Il existe en réalité une vaste agglomération incluant l’ensemble des zones limitrophes construites sans interruption, qui constituent avec Paris une « zone d’urbanisation continue de plus de 50.000 habitants ».
Le tribunal considère que cette zone répond à la définition de zone dans laquelle « il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers ».
Le tribunal souligne qu’il existe une liste des communes qui doivent se voir appliquer l’encadrement des loyers. Cette liste figure dans un décret du 10 mai 2013 auquel renvoie le décret du 10 juin 2015 d’application de la loi Alur. Dans cette liste figurent 412 communes situées dans chacun des départements de la région Ile de France, et PARIS n’est qu’une de ces 412 communes.
Sans prendre parti sur la question de savoir si cela « crée une inégalité », le tribunal considère seulement que le Préfet de la région Ile de France a commis une erreur d’application de la loi et des décrets du 10 mai 2013 et 10 juin 2015, en oubliant de plafonner les loyers à l’ensemble des 412 communes listées, qui font partie de la même zone d’urbanisation continue autour de Paris.
Conclusion …
La Préfecture aurait annoncé qu’elle allait interjeter appel de cette décision. Il semble difficile qu’une cour d’Appel administrative remette en cause le raisonnement, particulièrement ciselé, du tribunal.
Les arrêtés pris pour la ville de Lille ont été annulés dans des conditions semblables.
Cette décision montre que la complexité des textes est telle que même la Préfecture d’Ile de France n’a pas su (ou voulu ?) les combiner ni les appliquer convenablement. Le Préfet de la région Ile de France présentait des arguments factuels, rappelant que les loyers constatés à Paris et dans ceux du reste de la zone urbanisée ne sont pas comparables. Il faisait valoir aussi l’absence de pertinence d’un encadrement des loyers identique pour Paris intra-muros et la région Ile de France. Las, ces arguments ne pouvaient résister à l’application mécanique des dispositions législatives et réglementaires, et la Préfecture de Paris devra revoir sa copie…à moins que ce ne soit le législateur qui le fasse.
Catherine Marie KLINGLER
Avocat au Barreau de Paris